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L’épopée dorée des éléphantes U16 de Côte d’Ivoire à Kigali

Éléphantes U16 de Côte d'Ivoire, vice championnes d'Afrique à la FIBA U16 Women's Afrobasket 2025 à Kigali

Les éléphantes U16 de Côte d’Ivoire écrivent l’histoire du sport ivoirien à Kigali. Elles ont 14, 15 ou 16 ans. Elles n’étaient pas encore connues du grand public ivoirien il y a quelques mois, mais elles sont aujourd’hui entrées dans l’histoire du basketball africain. Vice-championnes d’Afrique U16 mais aussi qualifiées pour la Coupe du Monde U17 de 2026, les basketteuses ivoiriennes U16 ont bouleversé la hiérarchie continentale. Retour sur une aventure sportive et humaine hors du commun, d’Abidjan à Kigali en passant par Bamako et Monrovia.

Une idée audacieuse, une génération façonnée dans le feu

L’histoire commence dans les bureaux de la Fédération Ivoirienne de Basketball (FIBB). Conscient que la Côte d’Ivoire manquait de repères dans le basket féminin des jeunes sur le continent depuis presque 20 ans, le président Moussa DIARRA prend une décision inédite : faire jouer ces adolescentes contre des adultes.

Cette idée de mettre en place une équipe fédérale au sein de la Fédération naît en 2005, d’une proposition de Patricia Niandaki LOROUGNON, ancienne gloire du basketball ivoirien, et se matérialise aujourd’hui sous la gouvernance du président Moussa DIARRA.

À 13, 14 ou 15 ans, elles sont inscrites comme un club portant le nom de U16 Côte d’Ivoire en Ligue d’Argent (division 2 nationale sénior), en Coupe nationale et même en championnat Espoir. Chaque week-end, elles affrontent des adversaires plus expérimentées, souvent plus grandes et physiques. La cohésion naît, la mayonnaise commence à prendre. Mais elles essuient des défaites et encaissent parfois des corrections contre des équipes comme Friend’s Basketball Association (FBA), équipe de la Ligue d’Or (Division 1 nationale sénior), invaincue pendant deux saisons au plan local de 2023 à 2025. Mais elles apprennent et connaissent aussi des moments glorieux : victoires contre des équipes comme DC Arrow, également équipe de la Ligue d’Or.

À cette préparation locale s’ajoute une autre expérience hors du pays : le Tournoi de l’Amitié, organisé par la Fédération Malienne de Basketball. Ce tournoi à pour but de préparer les jeunes talents aux compétitions continentales à venir, une sorte de mini-Afrobasket où les Ivoiriennes croisent déjà les futures grandes nations du continent. Là encore, les résultats oscillent, mais les leçons s’accumulent. La graine d’un mental de championnes est semée.

Monrovia, la première consécration des éléphantes U16

En juillet 2025, cap sur Monrovia pour les éliminatoires de la Zone 3. L’objectif est simple : décrocher l’unique ticket qualificatif pour la FIBA U16 Women’s Afrobasket à Kigali. Les jeunes Éléphantes ne tremblent pas et survolent la compétition :

  • 73-31 contre le Bénin à l’aller: entame fracassante, avec une Emmanuela WILLIAM (19 points, 7 rebonds) déjà en mode patronne.
  • 79-46 contre le Liberia à l’aller: victoire sans appel face aux hôtes, Aminata KONÉ (13 points, 6 rebonds) et Adja TRAORE (15 points) en leaders.
  • 77-48 contre le Bénin au retour: Jane Mary DIOMANDÉ (19 points) prend le relais.
  • 64-38 contre le Liberia au retour: une démonstration collective, scellée par un double-double de Jane Mary DIOMANDÉ (21 points, 13 rebonds).

Quatre matchs, quatre victoires : la Côte d’Ivoire domine successivement le Bénin et le Liberia en aller et retour. Monrovia devient alors le point de départ d’un rêve plus grand. Une génération commence à éclore aux yeux du continent.

Kigali, la terre des émotions des éléphantes U16

À Kigali, les choses sérieuses commencent. Dès leur entrée en lice, les Éléphantes frappent fort avec une victoire 74-34 face à la Guinée. Une Jane Mary Diomandé en état de grâce, guide sa trouve avec 24 points, 12 rebonds et 9 interceptions, suivie de Ella Gnaman KONE avec 12 points et Emmanuela WILLIAM auteure de 10 points et 13 rebonds.

Le deuxième match, contre le Mali, est brutal. Le rouleau compresseur malien, huit fois champion d’Afrique consécutif, inflige une défaite sèche : 65-38. Mais ce revers agit comme un électrochoc pour les filles du coach Thoms N’DA.

On a su se remotiver et pour le prochain match, je vous promets la victoire.

confiait Gnahon Auriane Marie Espérance DEGNY au micro de Police du Sport.

La réaction arrive face à l’Angola. Dans une rencontre sous tension, la Côte d’Ivoire, menée 29-20 à la pause, reprend les choses en main à la seconde mi-temps et s’impose d’un souffle. Score finale : 54-51. La Côte d’Ivoire se qualifie pour les quarts de finale et, dans le vestiaire, les larmes coulent, mais ce sont des larmes de délivrance. C’est à ce moment précis qu’Ella Gnaman KONE, la capitaine, lâche une phrase devenue culte et qui permet à tout le groupe de rêver plus grand :

Nous sommes motivées pour aller jusqu’à la finale. Nous ne sommes pas venues pour participer, mais pour remporter la première victoire de la Côte d’Ivoire.

Pour ce match, Jane Mary DIOMANDÉ et Ella Gnaman KONE s’illustrent respectivement avec 16 et 12 points. Emmanuela WILLIAM, solide défensivement, totalise quant à elle 14 rebonds et 5 contres.

Le quart de finale, un exploit silencieux

Le Rwanda, pays hôte, attend les Ivoiriennes en quarts. Le petit stade de Kigali est bouillant, acquis à la cause des locales. Mais les jeunes éléphantes U16 de Côte d’Ivoire, imperturbables, livrent une prestation magistrale : Victoire 69-41. Dans ce match maitrisé de bout en bout, Emmanuela WILLIAM est à son prime et signe une performance individuelle de légende, sanctionnée d’un double-double grand format de 26 points, 19 rebonds et 5 contres, pour une évaluation de 42. Jane Mary DIOMANDÉ répond également présente comme d’habitude avec 16 points.

Le choc contre le Mali en demi-finale : David terrasse Goliath

Après le pays hôte en quarts de finale, la demi-finale oppose de nouveau la Côte d’Ivoire au Mali. Personne n’imagine un autre scénario que la qualification des tenantes du titre. Pourtant, ce samedi 13 septembre 2025 restera gravé dans l’histoire du basketball ivoirien, malien et africain.

Sous les yeux d’un public médusé, les éléphantes U16 font tomber la montagne malienne, se qualifient pour la finale et décrochent le tout premier billet de la Côte d’Ivoire pour la FIBA U17 Women’s World Cup. Score final : 45-40 pour la Côte d’Ivoire.

Nous sommes heureuses parce que depuis le Mali, lors du tournoi de l’amitié et lors des phases de groupe, elles nous avaient toujours battues, mais nous avons décidé de jouer avec courage et sans précipitation et nous avons pu les battre.

raconte encore émue Ella KONE, la capitaine.

Les éléphantes U16 de Côte d’Ivoire décrochent l’argent et écrivent l’histoire à Kigali

À Kigali, le 14 septembre 2025, les gradins vibrent et les regards se tournent vers le parquet où les Éléphantes U16 de Côte d’Ivoire défient l’Égypte, géant du continent. Face à des joueuses plus expérimentées, finalistes malheureuses à maintes reprises derrière l’hégémonie du Mali, les jeunes Ivoiriennes n’ont pas froid aux yeux.

Elles s’arrachent, dominent même deux quarts-temps (7-16 au 2ᵉ QT et 13-17 au dernier QT), avant de céder sous la puissance égyptienne (22-13 au 1er QT et 24-8 au 3ᵉ QT). Score final : 66-54. Sur le banc, les visages se crispent, les yeux s’embuent. Les larmes coulent, mais elles ont cette fois le goût doux-amer d’une médaille d’argent, la toute première médaille ivoirienne en U16 filles. Car derrière cette défaite se cache une victoire immense : la qualification pour la Coupe du Monde U17, la toute première de l’histoire du basketball féminin ivoirien chez les U16.

Jane Mary DIOMANDÉ, impériale, termine la rencontre avec 24 points, 10 rebonds et 4 interceptions. À ses côtés, la capitaine Ella KONÉ se bat jusqu’à la dernière seconde et inscrit 10 points. Des chiffres qui ne disent pas tout de l’énergie, du courage et du cœur mis dans cette bataille.

Vingt ans plus tard, une nouvelle génération en marche

Cette épopée de Kigali 2025 rappelle irrésistiblement celle des U18 ivoiriennes en 2006 à Cotonou, vice-championnes d’Afrique lors de la FIBA Africa U18 Championship for Women. Portées par des joueuses comme Kani KOUYATÉ, Mariama KOUYATÉ, Assétou KOLGA, Edwige DJEDJEMEL, Salimata BERTÉ et bien d’autres, elles avaient écrit la toute première page de l’histoire en menant la Côte d’Ivoire jusqu’à une Coupe du Monde U19 en 2007 en Slovaquie, sous la houlette de la coach Patricia Niandaki LOROUGNON.

Presque vingt ans plus tard, une nouvelle génération prend le relais. Les U16 ivoiriennes, bientôt U17 en 2026, s’apprêtent à porter l’étendard national sur la scène mondiale. Elles ne se contenteront pas de participer : elles veulent marquer l’histoire, faire mieux que leurs aînées et prouver que l’avenir du basketball féminin ivoirien s’écrit désormais au firmament.

Les étoiles ivoiriennes : DIOMANDE et WILLIAM sacrées

À la fin de la compétition, deux éléphantes U16 sont distinguées dans le 5 majeur de la compétition.

  • Jane Mary DIOMANDE, avec une moyenne de 15,2 points, 7,8 rebonds et 3,7 interceptions, est désignée meilleure ailière et meilleure scoreuse du tournoi, cumulant 91 points, 47 rebonds et 22 Interceptions en 6 matchs.
  • Emmanuela WILLIAM, avec 8,3 points, 11,7 rebonds et 4,3 contres, est sacrée meilleure pivot et meilleure rebondeuse, totalisant 50 points, 70 rebonds et 26 contres en 6 matchs.

Et ce n’est pas tout…

L’histoire d’Emmanuela Adjoa Adeola WILLIAM force l’admiration.

À seulement 14 ans, Emmanuela ne connaissait rien au basketball. Mais c’est à San Pedro, lors des détections nationales, que son destin bascule. Pourtant elle n’avait ni dribble, ni tir, ni expérience. Mais elle avait ce que personne ne peut enseigner : une taille imposante, une vivacité rare et une intuition du mouvement qui saute immédiatement aux yeux du Directeur technique national. Il voit directement en elle une pierre brute, un diamant à façonner.

Un an plus tard, la transformation est spectaculaire. De novice, Emmanuela est devenue l’une des intérieures les plus redoutées du continent. Élue meilleure pivot et meilleure rebondeuse du FIBA U16 Women’s Afrobasket 2025, elle a cumulé 70 rebonds en six matchs et s’est hissée dans le cinq majeur de la compétition. Une ascension fulgurante, preuve qu’avec du travail, du courage et une vision, tout est possible.

Emmanuela Adeola Adjoa WILLIAM FIBA U16 Women's Afrobasket
Emmanuela Adeola Adjoa WILLIAM FIBA U16 Women’s Afrobasket

Derrière son sourire timide, Emmanuela incarne déjà l’avenir. Beaucoup la voient comme une future star de la WNBA. Mais elle préfère rester concentrée sur son rêve immédiat : continuer à écrire son histoire… et celle du basketball ivoirien.

Le retour triomphal des éléphantes U16 à Abidjan

Le 16 septembre 2025, à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, une marée humaine accueille les vice-championnes d’Afrique. Cris, chants, drapeaux : les éléphantes U16 sont reçues comme des héroïnes nationales.

Quelques jours plus tard, l’État ivoirien officialise sa reconnaissance et offre 4 millions de francs CFA à chaque joueuse puis prend l’engagement de les accompagner pour la Coupe du Monde Féminine U17 de basketball.

Un impact qui dépasse le parquet

Au-delà du trophée, l’exploit a une portée sociale. Dans les quartiers populaires d’Abobo, de Cocody, de Yopougon, de Treichville, etc., les parents prennent l’initiative d’inscrire leurs enfants dans des centres de formation de basketball, et de nombreuses petites filles brandissent désormais des ballons orange, rêvant de suivre les traces de Jane Mary Diomandé, Emmanuela WILLIAM ou d’Ella Gnaman KONÉ leur capitaine modèle.

Pour des spécialistes, ce parcours est le symbole d’un renouveau.

La Côte d’Ivoire n’est plus un outsider. Elle est devenue une nation qui compte. Et ce n’est que le début.

analyse Yves-Gerard ABO, fondateur du média Police du Sport.

Un regard fixé vers la Coupe du Monde U17

L’histoire ne s’arrête pas là. En 2026, les jeunes éléphantes basketteuses iront représenter la Côte d’Ivoire pour la première fois à la Coupe du Monde U17. Une première historique car le défi sera immense, mais elles ont déjà prouvé qu’elles pouvaient renverser des montagnes.

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